Pour répondre à cette question, Flora Dupuy a travaillé pendant 6 mois sur un projet de recherche-action avec 3 groupes Civam de femmes paysannes et rurales en non-mixité choisie :
- Les Elles de l’Adage(Ille-et-Vilaine),
- Les Brind’Elles de l’Adar (Indre),
- et le groupe femme du Haut-Bocage (Deux-Sèvres).
Elle nous en parle. “L’étude s’est inscrite à la croisée de plusieurs champs disciplinaires : sociologie, genre, agronomie, et action collective. Au travers d’entretiens collectifs et individuels, je suis venue caractériser l’histoire des groupes, leur raison d’être, et questionner leurs effets dans la transition agroécologique ( TAE) à plusieurs échelles : soit de l’individu, à l’exploitation agricole, jusqu’au territoire.
Pour cadrer l’étude, j’ai abordé le concept de TAE dans sa dimension holistique, à savoir un changement de paradigme de la société. La TAE fait alors référence à la transition écologique mais également à la transition sociale, comprenant l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation des femmes.”
Espaces ressources.
“Les données recueillies m’ont permis de saisir que la domination masculine est toujours présente dans le milieu agricole, et induit encore de réelles inégalités pour les femmes en termes d’accès aux ressources et aux compétences (foncier, capital, formation, etc.).
De surcroît, le sexisme ordinaire renforce l’isolement des femmes et induit des difficultés à participer aux organisations agricoles et à bénéficier de leurs services. La constitution de groupe en non-mixité choisie vient alors agir comme un levier pour pallier ces inégalités, permettant aux femmes d’accéder à un espace sécurisé où sociabiliser entre pairs et monter en compétences techniques et psychosociales.
En outre, les groupes agissent tous comme des espaces ressources auprès des femmes en leur donnant accès à de multiples moyens (formations, ateliers, groupes de parole, connaissance de nouvelles femmes et de systèmes de productions différents) qui favorisent leur empowerment, et ce tant dans les sphères personnelles que professionnelles.”
Capacité d’agir.
En d’autres termes, les groupes permettent aux femmes d’augmenter leur capacité d’agir et leur autonomie en
- Acquérant des nouvelles connaissances et compétences,
- En développant des réseaux sociaux d’amitié et d’entraide,
- Et en augmentant leur propre estime et confiance en elle.
Les femmes s’affirment alors davantage en tant que paysanne, se sentent plus légitime, osent prendre une nouvelle place sur leur exploitation ou encore initient de nouvelles activités.
“J’ai pu caractériser que l’empowerment des femmes se corrèle à la mise en place d’actions qui sont motivées et qui tendent vers le care* social et environnemental (agriculture biologique, diversification, lien social, sensibilisation des consommateur·ices, préservation du patrimoine, etc.), soit vers des composantes primordiales à la transition agroécologique.”
En parallèle, les groupes de femmes contribuent activement en tant que collectif à la transition agroécologique de leur territoire en mettant en place des projets et actions de sensibilisation de divers publics à l’égalité femmes-hommes et à l’écologie, tout en favorisant des espaces de dialogues entre différents groupes sociaux.
Télécharger l’étude complète
Article de Flora Dupuy,
Paru dans la la Lettre de l’agriculture durable n°99
Contact : flora.dupuy@protonmail.com
* : Le care est un concept qui peut se traduire par “prendre soin” ou se “soucier de”. Il fait référence à des valeurs de prévenance, de responsabilité, de compassion, d’empathie ou d’attention aux besoins des autres. Dans la société, les qualités du care sont apprises et portées par les femmes depuis des millénaires.
Pour aller plus loin :
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